Le dernier tribun by Martin-Chauffier Gilles

Le dernier tribun by Martin-Chauffier Gilles

Auteur:Martin-Chauffier, Gilles [Martin-Chauffier, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Grasset
Publié: 2021-09-01T00:00:00+00:00


Chapitre 11

Observer le monde depuis Herculanum, c’est boire de l’eau. À Rome, on renoue avec le vin. La terre entière attend derrière la porte. Qu’importe que le ciel soit encombré, gris ou sale, tout s’agite, jusqu’aux boutiques les plus pauvres et aux auberges les moins fréquentables. En un mois, la ville avait retrouvé son apparence normale, chaotique et luxueuse, consulaire et boueuse. Le Tibre avait regagné son lit, les latrines ne répandaient plus d’odeur fétide, les eaux s’étaient retirées des terres maraîchères, les épiceries vendaient à nouveau fruits et légumes. La foule était réapparue, partout, innombrable, immuable et menaçante comme l’eau des rivières, prête à tout submerger de joie, de fête ou de colère.

Dans le désordre provoqué par les déluges de l’automne, Leno avait récupéré vaisselle, couverts, draps, couvertures, chandelles, charbon de bois et autres reliefs de logis ravagés. Pour arrêter les courants d’air, il avait installé d’épais rideaux de laine devant le balcon. Un intérieur de courtisane n’aurait pas proposé plus de confort. On aurait dit que j’habitais les lieux depuis vingt ans. Face à mon lit, il avait fixé des volets comme si on avait creusé une petite ouverture supplémentaire ; en les ouvrant, on tombait sur une fresque peignant une jeune femme en pleine fellation sur un homme ayant mes traits. À Herculanum et à Baïes, j’avais vu plusieurs de ces scénettes érotiques aux murs. C’était la mode. Il a prétendu s’être inspiré de celles vues dans le vestiaire de Fulvia.

Diana Metella, elle, demandait chaque matin s’il avait des nouvelles de moi. Pas question de la laisser lanterner. Sa présence dans une pièce fait monter la lumière. Elle est à la fois odieuse et exquise comme on peut être un méchant buveur d’eau ou un délicieux ivrogne. Chaque jour, depuis six semaines, elle m’avait manqué. Entre nous, mauvaises pensées et parfaite complicité marchaient du même pas. J’ai filé sur l’Aventin. Elle m’a reçu dans son atrium, droite, osseuse et métallique, tendue comme la flèche prête à quitter l’arc. Je l’ai embrassée. Elle m’a serré contre elle un instant de plus que ne le voulaient nos liens. Pour m’accueillir, je redoutais qu’elle se fasse les crocs sur Maïa Sempronia Litrana. Diana Metella tranche les têtes d’un mot. Elle n’y a pas manqué :

« Une nouvelle femme, c’est comme une fenêtre qu’on ouvre. Puis qu’on referme. Ne parlons pas de votre souris. Si pâle, si unie, si fraîche, si lisse, sans un pli, une tache ou une ombre. Un mois et demi face au vide, il était temps de rentrer. Ici, à Rome, tout se précipite. Clodia et Caelius se sont séparés. Pour être plus précise, elle l’a chassé. De dépit, il est passé au service de Pompée. Dont il exécute les basses œuvres. C’est lui qui a orchestré l’assassinat de Dion. »

Jamais un membre de la plus haute société ne laisse associer son nom à un tel méfait. Il l’organise puis se glisse dans l’ombre et ne réapparaît qu’à l’heure de pleurer en public. Caelius ne pouvait être aussi maladroit.



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